(BFM Bourse) - The Times et AdAge ont rapporté ce week-end que Havas était intéressé par un rapprochement avec son rival britannique, à la peine en Bourse.
Alors que le rachat d'Intergroup par Omnicom doit être finalisé d'ici à la fin de l'année, une autre grande opération de consolidation dans la publicité est-elle dans les cartons?
Durant le week-end, deux médias, à savoir le site spécialisé dans le marketing AdAge et le Sunday Times, ont fait état d'un intérêt de la part du français Havas pour le britannique WPP.
"Un rapprochement ou un partenariat entre WPP et Havas est à l'étude", écrit AdaAge. De son côté, le Sunday Times explique que Havas aurait pris langue en vue de racheter tout ou partie de WPP.
>> Accédez à nos analyses graphiques exclusives, et entrez dans la confidence du Portefeuille Trading
"Une source du secteur a suggéré que la société française pourrait être intéressée par l'acquisition de WPP Media, la précieuse agence d'achat d'espaces publicitaires du groupe. Une autre a évoqué la possibilité qu'Havas, ou une autre entité de l'empire Bolloré, acquière une participation importante et cherche à obtenir un siège au conseil d'administration", écrit le Sunday Times.
Contactée par BFM Bouse, une porte-parole d'Havas n'a pas fait de commentaire. WPP n'a pour sa part pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaire.
À la Bourse d'Amsterdam, l'action Havas abandonne 1,13% tandis qu'à Londres l'action WPP prend 9,4%.
Cauchemar en Bourse pour WPP
Le groupe publicitaire britannique a connu une véritable descente aux enfers boursiers cette année, avec un cours en chute de 62,5% sur l'ensemble de 2025.
La société a émis plusieurs avertissements sur résultats, le 9 juillet dernier, et, plus récemment le 30 octobre. WPP a perdu des contrats, Publicis lui ayant notamment raflé des budgets importants chez Mars et Coca-Cola.
Le groupe français fait d'ailleurs la course en tête dans ce domaine. Lors de la publication de son chiffre d'affaires du troisième trimestre, le mois dernier, le groupe présidé et dirigé par Arthur Sadoun avait cité des estimations de JPMorgan rapportant que Publicis avait engrangé, sur les neuf premiers mois de 2025, 6 milliards de dollars de dollars de contrats en net. Interpublic, avec 800 millions de dollarsn était largement distancé, de même qu'Omnicom (-700 millions) et le japonais Dentsu (-1,2 milliard).
WPP fermait la marche du "big five" avec des pertes de contrats chiffrées à 3,6 milliards de dollars sur neuf mois par JPMorgan.
"Je reconnais que nos récentes performances sont inacceptables et nous prenons des mesures pour y remédier", avait déclaré fin octobre la nouvelle directrice générale, Cindy Rose, arrivée en septembre à la tête du groupe.
Sur l'ensemble de 2025, WPP table sur une baisse de ses revenus retraités de certains éléments de 5,5% à 6% en données comparables. En comparaison, Publicis compte afficher une croissance de 5% à 5,5%.
Craintes autour de l'IA
En parallèle, les craintes de perturbations des modèles économiques des agences publicitaires par l'intelligence artificielle (IA) ont refroidi les investisseurs sur le secteur. "Les risques liés à l'IA semblent freiner les investissements dans le secteur des agences en général (…)", observait UBS en juillet.
Même Publicis, très probablement le meilleur élève du secteur à l'heure actuelle, peine à convaincre le marché que l'IA constitue une opportunité et non une menace pour son activité.
"S'il y a une idée que vous devez retenir de ce 'call', c'est que nous gagnons aujourd'hui grâce à l'IA", avait déclaré plusieurs fois Arthur Sadoun aux analystes lors de la conférence téléphonique suivant la publication du troisième trimestre. L'action avait perdu 1,75% à l'issue de la séance.
Pour revenir à WPP, le groupe ne pèse plus en Bourse que 3 milliards de livres, soit 3,5 milliards d'euros, et donc 6,3 fois moins que Publicis (22 milliards d'euros).
Pour Oddo BHF, WPP constitue une cible "logique", en raison de sa valorisation basse et d'un flottant de 100% (avec donc aucun actionnaire potentiellement bloquant).
"La difficulté pour l’acquéreur est d’assurer la valorisation de la branche créative de WPP qui devrait nécessiter une importante restructuration", poursuit le courtier.
"Si WPP Media (40% du revenu net) devrait être valorisée facilement (car les économies d’échelle sont importantes), la branche créative (43% du revenu net) présente peu de synergies pour les autres agences et fait face à un marché déclinant (et donc à des restructurations régulières). Ceci pourrait faire hésiter les acquéreurs", conclut Oddo BHF.
Concernant Havas, Oddo est convaincu que le groupe entreprendra "une opération de taille à un moment ou à un autre".
Pour WPP, l'intérêt d'Havas serait de reprendre WPP Media pour augmenter sa taille aux États-Unis. "C’est le marché sur lequel les synergies seraient les plus importantes pour Havas. Les activités créatives et RP (relations publics, NDLR) présenteraient moins d’intérêt pour Havas qui est déjà fortement exposé à ce marché aux USA, où les synergies sont plus faibles et les besoins de restructuration devraient être les plus importants", poursuit Oddo BHF.
Des opérations probables dans les prochains mois
Le courtier esquisse plusieurs scénarios potentiels, comme un rapprochement en titres et en cash. Groupe Bolloré (détenteur de 31% du capital de Havas), qui dispose toujours d'une importante trésorerie (5,53 milliards d'euros de trésorerie nette à fin juin), servirait alors d' intermédiaire et se constituerait une participation importante au capital de WPP.
Il évoque aussi le rachat de certains actifs, comme WPP Media. Oddo BHF n'exclut pas un rachat complet mais juge qu'il s'agit d'un scénario "moins probable".
De son côté, la banque Barclays tempère un peu en jugeant que les articles de presse évoqués ne laissent pas penser qu'une opération soit hautement probable.
L'établissement britannique souligne, par ailleurs, que le directeur financier de Havas, François Laroze, avait précédemment déclaré que le rachat des activités internationales du japonais Dentsu serait trop gros pour eux, sachant que WPP est plus gros que ces activités.
La banque estime toutefois qu'un rachat de WPP par Havas dégagerait des synergies importantes.
"La question est de savoir si la direction d'Havas pourra résister à une telle création de valeur potentielle. Une autre question est de savoir quel niveau de prime inciterait les actionnaires de WPP à accepter une offre publique d'achat", écrit Barclays.
"Bien qu'il n'y ait aucune certitude qu'un accord soit conclu, ces spéculations, associées à la fusion Omnicom-Intergroup et à l'examen par Dentsu d'options stratégiques pour ses activités internationales, montrent que les agences ne sont pas disposées à accepter passivement les bouleversements liés à l'IA. Nous pensons donc que des opérations sont plus que probables dans les mois à venir", conclut toutefois l'établissement.
