(BFM Bourse) - Si on esquisse le portrait robot d'une grande entreprise américaine, introduite en Bourse à l'été 2004, et qui enregistre une progression à quatre chiffres depuis, c'est sans doute Google qui vous viendra spontanément à l'esprit... Pourtant, un groupe en apparence bien éloigné des nouvelles technologies coche tous les critères, en faisant encore beaucoup mieux en Bourse !
En juillet 2004, une entreprise disposant d'une remarquable avance technologique s'est introduite à Wall Street. Depuis, son titre affiche un rendement global, dividendes inclus, de plus de 8600%. Un performance à quatre chiffres, Google, introduit en août 2004, l'a fait (environ +5.000%), mais c'est bien Domino's Pizza qui fait mieux que le géant de la Silicon Valley.
L'exploit ne s'arrête pas là pour ce qui n'est, en apparence, qu'une chaîne de préparation et de livraison de pizzas... Mais à une échelle absolument massive : comptant 18.000 points de vente dans plus de 90 pays, la firme livre 3 millions de pizzas chaque jour !
Sur les dix dernières années, le titre coté sous le "ticker" DPZ surperforme l'ensemble des GAFAM, le cours de l'action Domino's ayant été multiplié par 24 depuis l'été 2011 - contre x11 pour Apple, x12 pour Microsoft ou encore x16 pour Amazon.
Ce succès, l'entreprise le doit à une multitude d'ingrédients allant de l'innovation technologique permanente à la gestion de sa chaîne d'approvisionnement. "Domino's est l'enfant modèle de la transformation numérique" explique l'analyste Ray Wang, auteur de Tout le monde veut diriger le monde : Survivre et prospérer dans un monde de géants numériques.
Mais alors comment Domino's est passée d'une entreprise peu performante (son arrivée en Bourse visait notamment à éponger une dette nette proche du milliard de dollars à l'époque) dans un secteur très traditionnel, avec un produit de base qu'on qualifiera généreusement de... moyen, à un modèle à suivre, avec une forte notoriété, une capacité de renouvellement produit et un marketing sans faille?
La réponse est l'innovation. Et cela ne date pas d'hier puisque le groupe peut revendiquer la paternité du traditionnel carton de pizza, conçu dès 1973. Domino's ne s'est pas arrêté en si bon chemin, avec l'invention en 1998 du "HeatWave" un sac électrique portatif permettant de conserver la chaleur, dont sont équipés la plupart des livreurs aujourd'hui. Sans compter le "Domino's Tracker" pour géolocaliser sa pizza en temps réel, lancé en 2008 face à des observateurs circonspects. Force est néanmoins de constater, encore une fois, que cette fonctionnalité a depuis été adopté par l'intégralité des applications des plateformes de livraisons que vous utilisez.
Et le rythme des innovations s'est encore accéléré depuis: bornes de recharge pour scooters électriques, Hotspots -permettant aux clients de se faire livrer dans des lieux publics comme les parcs, les plages, ou même le musée local- et actuellement en test un système de livraison de pizzas par véhicule autonome à Houston, au Texas, en partenariat avec une société de robotique appelée Nuro.
L'accent mis sur l'innovation technologique a toujours fait de Domino's un précurseur de la livraison. Le géant de la pizza a ainsi permis aux clients de commander à partir de leur montre, de la console d'un autoradio et même de SMS à partir de 2015, et le champ des possibles s'est encore élargi depuis, aux assistants personnels intelligents comme la Google Home, Alexa ou Siri, à Messenger, Twitter, etc.
Si Domino's a clairement gagné la bataille de la transformation numérique (avec 60% de ses commandes générées via des plateformes en 2021), c'est que le groupe pense comme une start-up. Ce qui se ressent aussi dans son rapport à ses utilisateurs (consommateurs en l'occurrence), qu'il a su écouter. Il a ainsi complètement recréé sa recette en réponse aux critiques concernant son goût au début des années 2010. "Nous avions en quelque sorte créé une situation où les gens aimaient moins nos pizzas s'ils savaient qu'elles venaient de chez nous. Donc ouais, c'était un problème" rigolera de la situation Patrice Doyle (PDG du groupe de 2010 à 2018), interrogé par Bloomberg sur le succès de Domino's en 2017.
Surtout, le groupe a complètement repensé son modèle et notamment sa gestion de la chaîne d'approvisionnements, qui a représenté près de 59% de ses revenus en 2020 - soit 2,41 milliards de dollars sur 4,11 milliards. Domino's opère actuellement 21 centres régionaux de fabrication de pâte et centres logistiques aux États-Unis, deux usines de fabrication de pâte à croûte mince et un centre de traitement des légumes, ainsi que cinq centres de fabrication de pâte et plateformes logistiques au Canada. Cela lui permet d'approvisionner régulièrement plus de 6.800 magasins en aliments et fournitures diverses (sur 17.770 restaurants à travers le monde à fin 2020) - soit la quasi-totalité des restaurants aux États-Unis et la plupart des restaurants franchisés du groupe au Canada. Domino's prévoit par ailleurs de continuer à investir massivement dans sa chaîne d'approvisionnement.
Entre 2004 et 2020, le mastodonte de la pizza a vu ses revenus annuels croître de 478 millions à 4,11 milliards de dollars et son bénéfice net augmenter de 62 à 491 millions de dollars pour un nombre de restaurants passé de 7.757 au 31 décembre 2004 à 17.644 au 31 décembre dernier.
Cerise sur le gâteau, Domino's affiche des ratios de rentabilité fantastiques, salue Keith Kaplan, du bureau d'études TraderSmith. La marge d'exploitation du groupe est ainsi ressortie à 38,7% sur l'ensemble du dernier exercice et a encore grimpé pour atteindre 39,5% au deuxième trimestre 2021 - au cours duquel le groupe a largement dépassé les attentes de Wall Street, tant en termes de revenus que de bénéfices.