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Comment Paramount compte financer le rachat de Warner (Harry Potter, Batman) et quels arguments possède-t-il face à Netflix pour l'emporter?

Aujourd'hui à 15:47
Warner Bros. Discovery, objet de toutes les convoitises

(BFM Bourse) - La société a lancé lundi une contre-offre à celle de Netflix pour reprendre Warner Bros. Discovery avec une OPA hostile qui sera financée grâce à la famille Ellison, des fonds du Moyen-Orient et le gendre de Trump. Une offre évidemment mieux-disante, selon Paramount. Ce n'est pas si sûr.

Paramount Skydance fait feu de tout bois pour tenter de mettre la main sur Warner Bros. Dicovery et ses nombreuses licences ("Harry Potter", "Friends", "Batman", "Game of Thrones").

Après avoir été éconduit par sa cible, qui a préféré convoler avec Netflix, le groupe de média américain a lancé lundi une offre publique d'achat (OPA) hostile pour tenter de rafler Warner.

Paramount Skydance, a ainsi présenté au marché une proposition valorisant la société 77,9 milliards de dollars (et 108,4 milliards de dollars, dette incluse).

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La survie de Paramount en jeu?

Paramount n'a jamais eu les faveurs de Warner Bros. Discovery. La société l'explique très bien dans sa présentation.

"Bien que Paramount ait soumis six propositions au cours des 12 dernières semaines, Warner Bros. Discovery. n'a jamais donné suite à ces propositions qui, selon nous, offrent le meilleur résultat pour les actionnaires de Warner Bros. Discovery", explique le groupe.

Ne pouvant convaincre le conseil d'administration de sa cible, qui s'est donc jetée dans les bras de Netflix, bien plus désiré que Paramount (on appelle cela "un chevalier blanc" dans le jargon), Paramount cherche à rallier à sa cause les actionnaires de Warner.

Sa survie est peut-être en jeu. Lundi, Bank of America écrivait que Paramount Skdyance et Comcast, autre candidat malheureux à la reprise de Warner, se retrouvent tous les deux "en désavantage stratégique immédiat" face au rachat de Warner par Netflix.

"Avec Netflix qui s'est désormais assuré les droits de Warner Bros. Discovery, les deux sociétés sont confrontées à une urgence accrue d'agir. Dans un contexte d'accélération de la consolidation du marché, nous n'exclurions pas une fusion théorique entre NBC Universal (filiale de Comcast) et Paramount Skydance", poursuivait Bank of America.

Un financement qui mêle pays du Golfe et famille de Trump

Paramount a donc préféré revenir à la charge sur Warner et tenter d'avaler un groupe cinq à six fois plus gros que lui.

Le groupe dirigé par David Ellison, fils de Larry Ellison, fondateur d'Oracle et deuxième plus grande fortune mondiale (279 milliards de dollars), pèse en effet bien moins que Warner Bros. Discovery à Wall Street. La capitalisation boursière (la valeur de la totalité des actions) de Paramount Skydance, s'inscrit à 16 milliards de dollars contre 67,5 milliards de dollars pour Warner (et 410 milliards de dollars pour Netflix).

Comment Paramount peut dès lors racheter une cible bien plus grosse qu'elle? Réponse: avec beaucoup de dette et grâce à la fortune et aux réseaux de Larry Ellison. Ses liens avec la famille Trump sont notamment mobilisés.

L'entreprise explique que le financement sera opéré via, notamment, 54 milliards de dollars de prêts consentis par Bank of America, Citi ainsi que la société d'investissement Apollo.

En outre 40,7 milliards de dollars de fonds seront apportés via l'émission de capital (c'est-à-dire des actions). La famille Ellison via son "trust" familial et Redbird capital, une société d'investissement américaine connue pour avoir reprise le Toulouse FC et avoir tenté de racheter le quotidien britannique The Telegraph, ont décidé de "backstoper" à 100% l'opération. C'est-à-dire qu'ils garantiront son succès en mettant davantage de fonds s'il le faut.

Dans une présentation, Paramount Skydance précise bien que la famille Ellison a largement l'assise financière nécessaire avec plus de 252 milliards de dollars d'action Oracle.

Selon un document transmis à la Securities and Exchange Commission, la famille Ellison injecterait un peu moins de 12 milliards de dollars de capital tandis que trois fonds souverains (le "Public Investment Fund" saoudien, "l'imam Holding" d'Abou Dabi , et le "Qatar Investment Authority" du Qatar) apporteraient 24 milliards de dollars.

Le solde proviendrait de Rebird Capital et d'Affinity Partners. Cette dernière entreprise floridienne n'est autre que la société d'investissement de Jared Kushner, gendre de Donald Trump, et mari de sa fille Ivanka.

"Strongerhollywood.com"

Point intéressant: Paramount comptait aussi mobilier le géant chinois Tencent. Mais la société y a renoncé afin d'éviter de faire l'objet d'une enquête du CFIUS, le Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis, chargé de valider ou non les investissements de groupes étrangers au capital de sociétés américaines.

Les autres financeurs étrangers ont par ailleurs renoncé à tous droits en matière de gouvernance (comme une représentation au conseil d'administration).

Précisons que Donald Trump avait affirmé avoir des doutes sur le rachat de Warner par Netflix pour des questions de concurrence, ajoutant qu'il serait impliqué dans l'approbation de l'opération.

Selon Bloomberg, il aurait assuré ne pas avoir évoqué ce sujet avec Jared Kushner.

Au-delà de ces questions de financement, Paramount a-t-il vraiment les moyens de convaincre les investisseurs ?

Avec une OPA hostile, Paramount se doit par essence de démontrer que sa proposition offre davantage de valeurs aux actionnaires de Warner Bros que celle de Netflix.

Pour cela, la société a créé un site dédié à son offre, intitulé sobrement "strongerhollywood.com". Évidemment, ce site est un plaidoyer en faveur de la proposition de Netflix avec probablement un brin de mauvaise foi.

Une offre mieux-disante ? Pas si sûr

Rappelons que Netflix compte racheter Warner Bros Discovery à hauteur de 27,75 dollars par action. Mais cette offre ne porte que sur les activités de studio et de streaming et exclut la télévision linéaire. En comparaison, celle de Paramount porte sur 100% du périmètre et s'élève à 30 dollars par action.

Paramount explique que, pour bien comparer les deux offres, il faut inclure 1 dollar par action pour les activités de télévision linéaire du côté de Netflix. Le groupe estime ainsi que son offre de 30 dollars par action se compare à 28,75 dollars par action chez Netflix.

Cette évaluation s'avère très discutable. Bank of America estimait lundi dans une note que, dans le cadre d'une OPA, les activités de télévision linéaire de Warner Bros valait 4 dollars par action et qu'ainsi l'offre de Netflix dépassait nettement 30 dollars par action.

Paramount n'a pas tort sur un point: son offre est beaucoup moins complexe que celle de Netflix. Sa proposition offre un paiement entièrement en cash aux actionnaires de Warner contre un mélange d'actions et de numéraire pour Netflix. Par ailleurs, un fois la scission de Warner opérée, les porteurs se retrouverait toujours actionnaire des activités de télévision linéaire puisqu'une scission doit être opérée d'ici au troisième trimestre 2026.

"L'offre hostile est probablement supérieure à celle de Netflix, mais pas de manière évidente. Les deux prétendants offrent beaucoup plus que ce que nous estimons que Warner vaut de manière indépendante", juge Matthew Dolgin, analyste chez Morningstar.

Par ailleurs et comme dit plus haut, Paramount a l'avantage de bénéficier d'une certaine influence auprès de Donald Trump, via la famille Ellison. Mais est-ce que cela suffira?

Un match 50-50

Une variable est à prendre en compte dans cette rude bataille: l'emploi. The Guardian rapporte que des employés de CBS, un réseau de chaînes de télévision appartenant à Paramount Skydance, redoutent qu'un rapprochement avec CNN, propriété de Warner, se traduise par de nombreuses destructions d'emplois.

Ted Sarandos, le co-directeur général de Netflix, n'a d'ailleurs pas hésité à appuyer sur cette corde sensible. Lors d'une conférence organisée lundi par UBS, il en a presque directement appelé à Donald Trump.

"Je pense que l'intérêt du Président dans cela est le même que le nôtre, à savoir créer et protéger des emplois. Dans l'offre dont Paramount parle aujourd'hui, les Ellison évoquaient 6 milliards de dollars de synergies (plus du double de celles prévues par Netflix, NDLR), d'où pensez-vous que viennent les synergies ? En supprimant des emplois. Donc, nous ne supprimons pas d'emplois. Nous créons des emplois", a-t-il clamé.

Un autre aspect critique demeure les risques réglementaires avec de potentielles enquêtes anti-concurrence. Paramount assure avoir une voie "plus claire", offrant ainsi davantage de certitudes aux actionnaires.

C'est là encore discutable. Certes, le rapprochement entre Netflix et Warner est parsemé d'embuches. "C'est un grand sujet aux États-Unis comme en Europe en matière d'antitrust", estime un avocat spécialisé en droit de la concurrence dans un grand cabinet parisien.

Mais, comme l'écrit Reuters, les analystes soulignent que l'offre de Paramount a ses propres sujets antitrust car elle réunit deux grands opérateurs de télévision. Le mois dernier, les sénateurs démocrates ont averti qu'une telle transaction aboutirait à "une seule entreprise contrôlant presque tout ce que les Américains regardent à la télévision" et l'entité combinée détiendrait également une part de marché supérieure à celle du leader actuel Disney, explique encore l'agence.

"Netflix et Paramount ont leurs propres obstacles qui rendent l'approbation réglementaire incertaine. Cependant, nous prévoyons moins de contrôle international pour une opération avec Paramount. De plus, le président américain Donald Trump a déclaré qu'il s'impliquerait fortement dans le processus d'approbation et que l'accord avec Netflix 'pourrait poser problème'", juge Matthew Dolgin.

"L'administration américaine ne peut pas bloquer unilatéralement le "deal', mais elle peut choisir de s'opposer à son approbation. Plusieurs financiers de l'offre Paramount entretiennent des relations étroites avec le président. Cependant, d'autres parties peuvent intenter une action en justice pour bloquer la fusion, même si le gouvernement fédéral ne le fait pas", rappelle-t-il par ailleurs.

L'analyste juge néanmoins que Paramount a "au moins" 50% de chances de racheter Warner et Netflix "moins de 50%".

Julien Marion - ©2025 BFM Bourse
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