(BFM Bourse) - Let's Gowex, Innoveox, ou Cellnovo, les exemples de liquidation de sociétés cotées ne manquent pas. Si cet événement reste exceptionnel, il n'en demeure pas moins que les actionnaires seront les derniers servis. Un scénario qui signifie perdre 100% de sa mise - d'où la nécessité de savoir couper ses pertes avant que le pire ne se produise. Les actionnaires de Toupargel pourraient prochainement être confrontés à ce cas de figure.
Le roi du surgelé n'est plus. L'entreprise Place du Marché (ex-Toupargel) ferme définitivement ses portes faute de repreneur pour relancer l'entreprise spécialisée dans la vente de produits surgelés.
À l’issue de l’audience qui se tenait vendredi, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d’activité à l’encontre de l'ex-Toupargel. La crise sanitaire puis la vague d'inflation ont fragilisé l'entreprise Place du Marché. "On n'avait plus assez de clients pour faire un maximum de commandes. De fait le chiffre d'affaires a baissé de mois en mois, d'année en année", expliquait Frédéric Coat, représentant syndical FO à BFM Business.
Les actionnaires de Toupargel en sont donc pour leurs frais. La cotation de l'action, suspendue depuis le 22 octobre 2019 n'a a jamais repris. L'entreprise avait été rebaptisée Place du Marché début 2021, après sa reprise en janvier 2020 par Grand Frais, dans le cadre, déjà, d'une procédure de redressement judiciaire. Ce rachat a entraîné la radiation des titres Toupargel du marché réglementé d'Euronext Paris, le 10 février 2020.
"Les titres continuent toutefois d’exister tant que la société n’est pas radiée du registre du commerce et des sociétés. Ainsi, s’ils demeurent inscrits sur le compte ouvert auprès de votre banque, celle-ci pourra continuer à prélever des frais de garde" prévient l'AMF. Et c'est le cas de Toupargel, celle-ci n'étant pas encore radiée du registre du commerce et des sociétés. D'ailleurs certains actionnaires de Toupargel ont indiqué que leurs intermédiaires financiers n'avaient pas clôturé leurs lignes deux ans après la radiation des titres par Euronext. Le traitement semble inégal d'un actionnaire à un autre.
"L'entreprise est en liquidation semble t-il mais le service client me dit qu'on ne peut pas supprimer les titres car la procédure n'est pas encore terminée. Moi j'aimerais clôturer mon compte-titres mais je ne peux pas en raison de cette ligne qu'on ne peut pas supprimer" explique un des actionnaires de Toupargel sur un forum boursier. Un autre actionnaire indique dans ce même forum, que sa ligne logée chez un autre intermédiaire financier a pour sa part "disparu fin 2020".
Pour comprendre ces différences de traitement du dossier, BFM Bourse a contacté plusieurs intermédiaires financiers. Aucun courtier n'a été en mesure ou n'a souhaité donner la moindre information sur le cas de personnes détenant encore des titres Toupargel en portefeuille.
Les actionnaires bons derniers de la liste
Même si fort heureusement cela ne se produit pas quotidiennement, la disparition d'une société cotée n'est pas un événement exceptionnel, et les actionnaires ne doivent jamais oublier le risque encouru. Car en cas de liquidation, ils se retrouvent bons derniers de la liste des créanciers à rembourser.
C'est au liquidateur, nommé par la justice, qu'il revient de vendre les actifs qui peuvent encore l'être pour le compte des différents créanciers inscrits au passif. Une fois tout vendu, le remboursement est effectué selon ce qu'on appelle l'ordre des privilèges. En premier lieu, c'est le recouvrement de la plupart des impôts qui est prioritaire, parfois avant même les salariés (lesquels bénéficient toutefois du régime de garantie des salaires, autrement dit un fonds national qui permet aux salariés de recevoir les sommes correspondant à leur salaire même s'il ne reste plus de fonds au sein de l'entreprise).
Viennent ensuite ce qu'on appelle les créanciers chirographaires, qui ne bénéficient pas de privilège particulier, notamment les fournisseurs. Le remboursement des banques et autres créditeurs dépend par ailleurs d'éventuelles hypothèques ou nantissements.
Ce n'est que si les dettes de tous ces créanciers ont pu être apurées que les actionnaires peuvent espérer se partager ce qui s'appelle un boni de liquidation. Il va sans dire qu'en cas de liquidation judiciaire -intervenant lorsque l'entreprise n'est plus en mesure d'honorer ses dettes et présentant un passif supérieur à l'actif- il ne faut pas compter dessus. C'est donc une perte sèche à laquelle s'exposent les investisseurs.
Penser à déclarer ses moins-values au fisc
Il ne leur reste plus qu'à faire valoir leur perte auprès de l'administration fiscale, ce qui peut nécessiter quelques démarches fastidieuses. Par le passé il était nécessaire d'attendre la clôture de la liquidation (ce qui peut prendre des années). Désormais, il est possible de faire reconnaître ses moins-values dès le jugement de liquidation prononcé, s'il fait bien mention de la nullité de la valeur des actions. Cette disposition tire son origine de l'emblématique et non moins dramatique faillite de Moulinex en 2001.
"Pour permettre éventuellement aux porteurs de titres Moulinex de constater leurs moins-values, la cotation des actions sera reprise du 14 novembre au 14 décembre 2001 inclus, dans le compartiment des valeurs radiées des marchés réglementés" avait-il été proposé aux petits porteurs de Moulinex pour se défaire de leurs actions. Or, ces derniers étaient dans l'incapacité de vendre leurs actions Moulinex faute d'acheteur en face dans le carnet d'ordre. Qui voudrait en effet se positionner sur une action dont la société est en faillite?
Le député Charles de Courson a ainsi inclus "l'amendement Moulinex" dans la loi de finances rectificative pour 2002 dans son article 12 publié au Journal Officiel du 31 décembre 2001. Cette disposition permet donc aux malheureux actionnaires d’imputer fiscalement les moins-values sur les actions de sociétés en faillite dès lors qu’un jugement ordonnant la cession de l’entreprise (en l’absence de tout plan de continuation) ou sa liquidation judiciaire a été rendu.
Pour cela, il faut obtenir copie du jugement auprès du greffe du tribunal ayant émis la décision judiciaire puis la transmettre à son intermédiaire financier afin qu'il constate la liquidation et la valeur nulle des actions. Ce dernier enverra une attestation de gain et de perte réalisé, sous le libellé "pertes sur titres suite à procédure collective", qui sera à produire à l'administration fiscale pour imputer le cas échéant la moins-value sur ses gains.