(BFM Bourse) - Alors que la pénurie mondiale de semi-conducteurs pourrait empêcher plus de 7 millions de véhicules de sortir des usines en 2021, de nombreux groupes revoient leurs objectifs de production à la baisse. Zoom sur une situation provoquée, entre autres, par l'avènement des véhicules électriques et les confinements, qui pourrait s'éterniser en raison des nouvelles restrictions en Malaisie.
Les chiffres sont préoccupants. Selon Bloomberg, la pénurie mondiale de semi-conducteurs pourrait réduire la production mondiale de voitures d'environ 7,1 millions de véhicules cette année. Toyota vient d'annoncer la fermeture temporaire de 14 usines le mois prochain ainsi qu'une réduction de 40% de sa production globale. Toujours selon Bloomberg, l'usine principale de Volkswagen à Wolfsburg (la plus grande au monde, qui emploie 60.000 personnes) ne fonctionnera plus qu'en équipe matinale après les vacances d'été en raison du manque d'approvisionnement en puces. Et si les deux premiers producteurs mondiaux sont durement touchés par la pénurie mondiale de semi-conducteurs, les autres ne sont pas épargnés non plus.
Résultat, ce sont entre 6,3 et 7,1 millions de véhicules qui ne sortiront pas des usines cette année par rapport aux estimations initiales, selon le cabinet d'études IHS Markit. Après avoir chuté de 15,8% à 77,6 millions de véhicules -chiffres de l'Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA)- en 2020, la production de voitures neuves devrait connaître un rebond sensiblement limité cette année.
Au cœur du problème: la pénurie mondiale de matériaux semi-conducteurs, "essentiels à la production de circuits intégrés ou de puces" souligne John Plassard, directeur des investissements chez Mirabaud. "Les voitures modernes, technologiquement avancées, utilisent une multitude de capteurs et de contrôleurs qui s'appuient sur des puces pour envoyer des informations dans tout le véhicule" développe-t-il. Et depuis l'avènement, et surtout le développement des véhicules électriques, "l'utilisation des semi-conducteurs embarqués a littéralement explosé, notamment à mesure que des options telles que les détecteurs d'angle mort et les caméras de recul deviennent la norme" ajoute-t-il.
Une demande plus forte que prévu
Et si les fondeurs (spécialisés dans la fabrication d'un circuit intégré à partir de tranches de semi-conducteur, généralement du silicium) sont parvenus à suivre le rythme de la croissance de la demande des constructeurs, ces derniers ont rapidement annulé des commandes de pièces à partir de mars 2020, pensant que les ventes allaient chuter - Les constructeurs s'efforcent historiquement de limiter les stocks de pièces afin de réduire les coûts.
Sauf que, "si les ventes de voitures neuves ont effectivement reculé au début (de la pandémie, NDLR), elles ont rapidement rebondi grâce à la demande refoulée et aux offres de financement à 0%" (les concessionnaires ont par ailleurs compris comment vendre des véhicules en ligne, en proposant l'enlèvement et la livraison à domicile) constate John Plassard.
Ainsi, lorsque les usines ont redémarré, la demande de véhicules neufs, plus forte que prévu, a nettement dépassé la production. Parallèlement à cela, lors des premiers confinements, la capacité des semi-conducteurs a été fortement consommée par d’autres activités telles que téléphones, ordinateurs, jeux vidéo - alors que les gens travaillaient et étudiaient à la maison.
Désormais confronté à un manque de composants aussi divers que variés, les principaux constructeurs n'ont d'autre choix que de fermer certaines chaînes de production, ce "qui pourrait pousser les analystes à raboter une nouvelle fois leurs prévisions sur la fin de l’année et le début 2022" avance John Plassard.
La Malaisie, point névralgique du marché
Lorsque l’on parle de semi-conducteurs, on pense surtout à la Corée du Sud ou encore à Taïwan, qui dominent le marché depuis une dizaine d'années, "cependant la Malaisie est aussi un acteur de choix et même centrale pour l’évolution de la vente des puces à travers le "testing" (le test des semi-conducteurs) et l’emballage des semi-conducteurs (packaging)" explique l'expert de Mirabaud. Ce pays d'Asie du Sud-Est s'est de fait imposé, ces dernières années, comme un centre majeur de test et de conditionnement de puces, avec par exemple Infineon Technologies, NXP Semiconductors et STMicroelectronics parmi les principaux fournisseurs qui y exploitent des usines.Ce constat établi, la dégradation de la situation sanitaire en Malaisie, où le nombre de contaminations au coronavirus a atteint un record ces derniers jours sous l'effet de la propagation du variant Delta, apparaît comme une très mauvaise nouvelle pour le marché - en ce que cela menace de ralentir la production, au moment où la plupart des pays s'apprêtaient à rouvrir "officiellement" leur économie dans la foulée de la mise à disposition de nombreux vaccins.
Des solutions coûteuses
Face à cette situation, les solutions ne sont pas légion. Ajouter des capacités de fonderie (soit des lignes de production sur des installations existantes) coûte plusieurs centaines de millions de dollars. Et pour créer une nouvelle usine de toute pièce, la facture s'alourdit nettement pour se chiffrer entre 10 et 20 milliards de dollars (!) selon le type de puce à produire, d'après la Société des ingénieurs de l'automobile (SIA). Un montant exorbitant qui se justifie par la nécessaire construction d'une "salle blanche", zone où l'environnement est contrôlé pour éviter toute micro-poussière et où la moindre micro-vibration est proscrite. Celle-ci est équipée d'équipements particulièrement coûteux, indispensables aux nombreuses étapes de fabrication d'un circuit intégré (la photolithographie, la gravure, le dopage, la diffusion et la métallisation) à partir de tranches de semi-conducteur."Une solution plus politique consiste à collaborer avec les fabricants de semi-conducteurs chinois" ajoute John Plassard, qui précise que "se pose cependant le problème des droits de douane de 25% (aux Etats-Unis, NDLR) sur les semi-conducteurs en provenance de Chine en vertu de la section 301, en raison du manque de protection des droits de propriété intellectuelle et du transfert forcé de technologies par la Chine". "Cette section devrait ainsi être abrogée avant que cette solution puisse être envisagée" estime-t-il.
Quelles sont les marques les plus affectées par cette pénurie?
Si certaines marques ont pris le choix de retirer certaines fonctionnalités utilisant des semi-conducteurs pour pouvoir vendre leurs véhicules (Tesla a par exemple supprimé le soutien lombaire côté passager sur ses nouveaux modèles, quand General Motors a choisi d'enlever les fonctions d'économie de carburant telles que l'arrêt automatique du démarrage et le module de gestion du carburant), le manque de semi-conducteur va tout de même durement toucher de nombreux constructeurs au second semestre. Parmi les plus affectés, John Plassard cite Stellantis, Volkswagen, Ford, General Motors ou encore Tesla.Recevez toutes les infos sur STELLANTIS en temps réel :
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