par Marie Maitre
PARIS (Reuters) - Le gouvernement français devra prochainement prendre des décisions audacieuses s'il veut garantir à Areva le financement dont le spécialiste du nucléaire a besoin pour préserver sa position de leader sur un marché mondial de l'atome en pleine renaissance.
La vente de participations financières ou l'entrée de nouveaux investisseurs - les deux options ont la faveur de Paris d'après des sources proches du dossier - pourraient permettre de lever quelques milliards mais on reste loin du compte pour financer l'intégralité des ambitions sur le moyen terme.
Une augmentation de capital ou la vente du pôle transmission et distribution (T&D) rapporteraient bien davantage mais l'État français, actionnaire majoritaire d'Areva, hésite à financer la première option, tandis que le groupe a régulièrement écarté la seconde.
"Le plus probable, c'est un choix de cessions d'actifs et d'une augmentation de capital de l'État en cas de besoin", a déclaré à Reuters une source proche du ministère de l'Économie.
Certains analystes évaluent la division T&D à environ 4,5 milliards d'euros.
"Je pense que l'État préférera faire d'autres choix que celui d'une augmentation de capital (...) Il a à sa disposition tout un éventail d'autres options", dit Alex Barnett, analyste chez Jefferies International.
PAS DE SOLUTION MIRACLE
Pour 2009, Areva a dévoilé en février un plan d'investissement de 2,7 milliards d'euros, approuvé par l'État français qui détient contrôle 93% du capital du groupe.
Il compte aussi investir sept milliards supplémentaires entre 2010 et 2012 et a également besoin d'au moins deux milliards d'euros de plus pour racheter la part de 34% de Siemens dans Areva NP, sa filiale de réacteurs dont l'allemand veut se désengager.
Si Areva désire également atteindre son objectif de ramener son ratio dette/fonds propres ("gearing") à 75%, il ne pourra faire l'économie d'un apport d'argent frais.
"La solution miracle n'existe pas, il y a seulement un mélange de plusieurs solutions", indique sous couvert d'anonymat une source proche du dossier. "L'objectif est de trouver le niveau juste qui soit raisonnable aux yeux de l'État et suffisant pour Areva."
A ce stade, les observateurs ignorent si le gouvernement français optera pour des choix audacieux ou s'il se contentera du minimum.
"C'est un sujet très politique, un dossier extrêmement sensible, et au bout du compte, les décisions, quelles qu'elles soient, seront prises au plus haut niveau", souligne Jacques-Antoine Bretteil, gérant chez International Capital Gestion.
UN MARIAGE JUGÉ INÉLUCTABLE
Outre l'augmentation de capital, qu'elle soit ou non réservée à l'État, le gouvernement dispose d'une palette d'autres options financières comme la vente de participations d'Areva dans GDF Suez, Safran et Total - valorisées en tout un peu moins de 1,2 milliard d'euros sur la base des cours de clôture de mercredi - mais les conditions de marché pour de telles opérations sont actuellement loin d'être idéales.
Areva pourrait également céder des parts dans Eramet et STMicroelectronics - évaluées à elles deux autour de 1,3 milliard d'euros - en les transférant au Fonds d'investissement stratégique (FSI) afin de ne pas rompre les pactes d'actionnaires conclus avec le groupe minier et le fabricant de semi-conducteurs.
Le spécialiste du nucléaire pourrait aussi signer de nouveaux partenariats industriels sur le modèle de l'accord conclu avec GDF Suez, qui a pris une participation de 5% dans sa future usine d'enrichissement Georges Besse II. Ce site en construction dans la Drôme représente un investissement de l'ordre de trois milliards d'euros.
Il lui reste également l'option de la vente de T&D, mais la présidente du directoire d'Areva, Anne Lauvergeon, qui a piloté le rachat du pôle pour 950 millions d'euros en 2004, s'y oppose. Alstom, qui avait été contraint de céder cette activité en contrepartie du dernier plan de sauvetage financier dont il a bénéficié, aimerait maintenant racheter la division.
"Une vente de T&D ferait vraiment sens", ajoute Alex Barnett. "Anne Lauvergeon est contre, mais j'ignore si l'État y est aussi hostile qu'elle (...) Cela permettrait de résoudre les problèmes de financement très rapidement. Tous les besoins qu'ils pourraient avoir s'en trouveraient couverts."
Anne Lauvergeon s'oppose aussi à l'idée d'une fusion entre Areva et un autre groupe comme Alstom. Le P-DG de ce dernier, Patrick Kron, a envoyé plusieurs signes d'ouverture en ce sens, mais Alstom a affirmé cette semaine que les conditions économiques et de marché actuelles rendaient un tel projet impossible.
Si l'État décide malgré tout de marier Areva, comme il l'a fait avec Gaz de France et Suez, Anne Lauvergeon pourrait alors devoir s'incliner et céder les rênes d'un groupe qu'elle a contribué à bâtir et dont elle toujours défendu l'indépendance.
Plusieurs sources ont fait état de tensions récentes entre la présidente du directoire d'Areva et l'exécutif français après le départ soudain de Siemens d'Areva NP et la décision du groupe allemand de s'allier avec le russe AtomEnergoProm, l'un des concurrents avec lesquels le spécialiste français du nucléaire va devoir compter.
"Areva ne peut plus rester seul, je pense donc qu'il y aura un rapprochement, soit avec Alstom, soit avec Total qui s'intéresse désormais au secteur nucléaire", estime Jacques-Antoine Bretteil. "L'État examinera toutes les options qui lui permettront de ne pas puiser davantage dans ses caisses."
Avec la contribution d'Anna Willard, version française Gilles Guillaume
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