
Andréa Brignone Associé Exact
Andréa Brignone, associé Expérience et Action et auteur du Tao de la Bourse et du Trading, est économiste, chargé d’enseignement à Paris II Panthéon Assas. Auteur de l’encyclopédie de l’économie de Larousse, il est également expert auprès de la Commission Européenne. Conférencier …
(BFM Bourse) - Les mânes de mes anciens professeurs d'économie doivent se retourner dans leur tombe en écoutant les propos d'économistes et d'experts à la mode sur la crise économique et sur les moyens qu'il faut prendre pour endiguer celle-ci.
Nous avons d'abord les grands philosophes de l'économie qui prédisent la fin du capitalisme et la naissance du capitalisme hors de toute finance. Ceux-là font un joyeux salmigondis de keynésianisme et de marxisme. Ils sont en passe de réformer le capitalisme à eux tout seul. Ils ne font pas la différence entre une propension à consommer et un multiplicateur d'investissement ni entre une option et un future, mais leurs voix autorisées parlent de gouvernance, de régulations et de ce que les chinois devraient faire ou ne pas faire. Ils hochent la tête en vous disant que la crise sera grave très grave, historique ! Et qu'il faut donc prendre des mesures historiques. Si vous avez le malheur de leur demander : quelles mesures ? Ils vous répondent que l'industrie doit être sauvée et qu'il faut un code d'éthique du capitalisme.
Nous avons ensuite les experts qui se réclament de Keynes : il faut que l'Etat dépense sans compter. Aidons la consommation ! Il faut éteindre le feu ! Ce qui se passera après n'a aucune importance à leurs yeux. Ces nostalgiques des mesures de 1981 qui aboutirent à trois dévaluations du franc, ont plus l'habitude des cafés de St Germain des Prés que des entreprises et des marchés financiers. Ils brandissent avec délectation des ouvrages comme « La crise » de Paul Jorion qui prône « Les paris relatifs à l'évolution des prix sont interdits ! » sic ! Ce qui prouve une connaissance profonde des mécanismes de gestion de risques ! Et qui est certainement fondateur d'un nouveau capitalisme !
Et finalement nous avons les experts financiers de certaines banques, comme celui qui affirmait dans un hebdomadaire financier, et dont je tairai le nom par charité le 12 Septembre « La crise est finie ! ».
Bref de science économique ou financière dans tout cela je n'en vois pas l'ombre. Par contre je vois des egos surdimensionnés à l'aide de l'amplificateur médiatique. Que de gens veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Certes, le Baromètre 2008 des valeurs des Français de TNS/Sofres nous montre que désormais pour faire passer un concept il faut le scénariser et non le présenter comme une idée. Ceci a un avantage pour les émetteurs d'affirmations. L'idée est si bien emballée que plus personne ne songe à la discuter, elle est scénarisée, elle raconte une histoire et on gobe l'histoire.
La science économique est une science de l'incertain. Elle ne peut qu'évaluer une situation et donner des scenarii probables. Elle peut indiquer des solutions à un moment de difficulté mais ces solutions se placent dans un contexte donné qui peut exister ou non. Prenons la situation actuelle. Le plan de relance français a choisi la solution de doper l'offre plutôt que la demande. C'est une solution possible, en tout les cas meilleure que celle de relancer la consommation comme en 1981. Pourquoi est-elle meilleure ? D'abord car elle n'obère pas l'avenir. Ensuite parce que d'une certaine façon elle prépare l'avenir, même si cela semble fait d'une façon un peu brouillonne. Et parce qu'elle envoie un signal aux acteurs de la croissance c'est-à-dire, les entrepreneurs. En effet, si vous discutez actuellement avec un banquier, il vous dira que malheureusement très peu de chefs d'entreprises viennent les voir avec des projets ou même essayent de réactiver des projets qui étaient à l'étude. Faute de visibilité sur la demande, il faut donner plus d'attrait à l'offre. La demande aurait porté massivement sur des produits importés, tandis que la politique d'offre vise à stimuler les entreprises nationales. C'est, certes, un pari et cela ne peut être qu'un pari. Mais il n'y a aucune certitude en économie pas plus qu'à la bourse. L'autre pari, celui de stimuler la consommation, aurait été comme jouer sur le marché contre la tendance.
Ce qui nous intéresse c'est de savoir comment ces mesures vont se répercuter sur le marché des actifs boursiers. La réponse est qu'il n'y a pas de réponse. Si le pari réussit, les banques recommenceront à engranger des profits et donc leurs cours remonteront. Ce sera le premier signe. Les autres valeurs ne suivront qu'après et la vraie reprise économique ne viendra qu'ensuite. Cependant dans l'océan d'informations que l'on nous déverse sur nos pauvres têtes, on apprend que les Etats-Unis étaient en récession depuis un an, c'est-à-dire que la reprise américaine viendra dans un délai plus court que prévu. Car il y aura reprise, comme depuis le début de l'histoire marchande du monde et le capitalisme se refondera tout seul, comme d'habitude, sans besoin des apprentis sorciers faiseurs de belles paroles !